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LA BATAILLE D'HARMAGUEDON

ÉTUDE VIII

LES CRIS DES MOISSONNEURS

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            Les éléments conservateurs de la société. — Paysans, fermiers. — Conditions nouvelles dans la chrétienté. — Agitation de la classe agricole. — Ses causes. — L'étalon-or et l'étalon-argent en sont des facteurs. — La prédiction biblique s'accomplit. — Ces choses ont rapport à la bataille du grand jour.

            « Ni leur argent ni leur or ne pourront les délivrer au jour de la fureur de l'Éternel » — Soph. 1 : 18 (Segond).

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            Le lecteur réfléchi, au courant de l'histoire, qui suit notre thème et remarque le bien-fondé des faits présentés et le caractère raisonnable des conclusions tirées, peut encore douter de l'issue finale. Il peut se dire en lui-même : « L'auteur oublie que dans les pays civilisés aussi bien que dans ceux qui le sont moins, il y a un important élément social prédominant qui est extrêmement conservateur et qui a toujours constitué l'armature sociale : les fermiers ». Mais non, nous n'avons pas oublié ce fait, et nous reconnaissons son importance. Jetant un regard sur le passé, nous voyons que l'Europe aurait été fréquemment jetée dans les convulsions de la révolution s'il n'y avait pas eu cet élément très conservateur. Nous voyons que les révolutions en France ont été surtout engagées et poursuivies par la classe ouvrière des plus grandes villes, et que l'élément qui ramena finalement le calme et la paix fut le paysan-cultivateur conservateur. Il n'est pas difficile de découvrir les raisons de cet état de choses : (1) La vie du fermier présente moins d'excitation et de points de friction sociale. (2) Son esprit est moins attiré par les avantages de la richesse, et son ambition pour la richesse et le luxe est, chez lui, relativement à l'état latent. (3) Il est plus ou moins attaché à la terre et apprend à ne dépendre que d'elle ;  il a cette confiance que la nature récompensera son travail. (4) La mesure d'instruction, l'éveil et l’activité mentale qui en sont les conséquences ont toujours été jusqu'ici très limités parmi les paysans. Le résultat de toutes ces conditions, c'est que la classe agricole du monde civilisé a longtemps été donnée en exemple de prospérité modérée et de sobre contentement.

            Cependant, les trente dernières années ont vu se produire un prodigieux changement dans les affaires des fermiers, changement très avantageux à de nombreux égards. Les fermiers [ou cultivateurs — Trad.] des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et d'Irlande ont toujours été sur un pied différent des fermiers du reste du monde. Ils ne sont ni des serfs, ni des paysans, ni des ignorants, ni des êtres bornés, mais ils sont au contraire intelligents, même lorsqu'ils ne sont pas instruits. Ensuite, la Guerre civile aux États-Unis eut pour effet de rassembler des représentants de chaque partie du pays et des immigrants de toutes les parties du monde ; ce rapprochement donna un certain genre d'instruction, de connaissance des choses et des affaires. Il éduqua les idées des fermiers d'une façon plus complète que ne le fit jamais la routine des siècles, et les mit en contact et en sympathie avec les sentiments et les ambitions qui animent la vie des villes. Par suite, la vieille maison d'école en bois ne répondit plus aux ambitions du petit campagnard et de la petite campagnarde, et avec le développement des écoles supérieures, des collèges et des institutions, vint également l'augmentation des publications (en particulier des journaux) qui ont été un facteur remarquable dans le développement du peuple des États-Unis, des citoyens nés à l'étranger aussi bien que des citoyens nés dans le pays. Le résultat, ici, a été qu'on a appliqué à l'agriculture beaucoup de la méthode et de l'habileté qui sont le propre de la vie urbaine des affaires, en même temps qu'une multitude d'inventions tendait à diminuer la vie pénible du fermier et à augmenter considérablement la production de sa terre. Le résultat de cet état de choses est que non seulement la population rurale a beaucoup augmenté, mais la population urbaine a suivi, et pourtant, outre que nous fournissons la nourriture à nos quatre-vingt-dix millions d'habitants, nous sommes capables de distribuer au reste du monde la valeur de près de huit cent millions de dollars en produits agricoles chaque année, soit environ les huit-dixièmes de la totalité de nos exportations. Jusqu'à ces vingt-cinq dernières années, cela a valu une grande prospérité aux agriculteurs américains ; toute cette prospérité permit à l'agriculteur d'avoir part aux commodités de la vie et de désirer, lui aussi, la richesse et le luxe ; par contre, il s'ensuit aussi une certaine mesure de mécontentement à cause de sa situation laquelle, néanmoins, est bien supérieure de nombreuses manières à celle des cultivateurs des autres parties du monde.

            Pendant ce temps-là, la guerre franco-allemande exerçait une influence quelque peu semblable sur les peuples de France et d'Allemagne, dans une mesure beaucoup moins grande toutefois, et leur éveil se fit d'une manière différente. L'animosité entre les Français, vaincus, et les Allemands, vainqueurs, a subsisté depuis leur guerre ; elle a poussé ces deux pays, et indirectement l'Italie, l'Autriche et la Russie, à établir un système d'éducation militaire qui pèse sur chaque jeune homme de ces pays et l'oblige à recevoir une instruction dans les manœuvres et la discipline militaires et, du même coup, à subir le contact de ses compagnons de service. Tout cela offre une éducation des plus utiles ; en outre, dans les casernes, certaines heures sont consacrées à des études d'ouvrages. Le maintien de ces armées permanentes avait d'abord paru être un grand crime contre les peuples de ces diverses nations ; on enlevait, en effet, des branches de l'activité domestique chaque homme de la société pendant une période variant de un à trois ans ; nous croyons, néanmoins, que cela a aidé merveilleusement à ouvrir les yeux de ces hommes, et les nations précitées sont maintenant éveillées, stimulées et elles ont des ambitions comme jamais auparavant. Bien entendu, dans la mesure où l'instruction s'est répandue et où chacun a pris conscience des avantages matériels, des commodités et des objets de luxe de la vie et de la richesse de la ville, dans la même mesure s'est élevé le mécontentement ; les gens ont eu le sentiment que d'autres réussissent mieux qu'eux et qu'il leur faut être sur leurs gardes pour saisir une occasion favorable afin d'améliorer leur propre situation. En outre, il s'est produit un relâchement dans les mœurs.

            Pendant ce temps, les chaînes de l'ignorance et de la superstition en matière religieuse ont également cédé, bien que l'influence de la Papauté et de l'église grecque soit toujours très grande. Et s'il est vrai qu'on ne croit guère que le prêtre, l'évêque et le pape ont le pouvoir d'expédier quelqu'un au purgatoire ou au tourment éternel, ou de l'admettre au ciel, cependant leur pouvoir est encore, dans une grande mesure, craint, respecté. Dans l'ensemble, cependant, il s'est produit un grand changement dans toutes les classes au point de vue religieux. Parmi les protestants, la tendance, tel un pendule, oscille à l'extrême opposé, de sorte que si les formes de dévotion et de piété sont toujours observées, la vraie révérence a, en grande partie, quitté les masses protestantes. La prétendue « critique supérieure » [ou haute critique — Trad.] et la théorie de l'évolution ont pratiquement détruit le respect de la Parole de Dieu. Ces théories, s'associant à présent avec la théosophie orientale ont causé le naufrage de la vraie foi chrétienne à des centaines de milliers, à la fois en Europe et en Amérique.

            On devrait se rendre compte que toutes ces influences ont déjà, depuis quelques années, eu une tendance à changer l'attitude de la classe connue jusqu'ici sous le nom de « la classe conservatrice des fermiers-propriétaires de la chrétienté ». A présent, dans une conjoncture critique, nous discernons une certaine influence puissante qui, graduellement mais assidûment a été au travail, et maintenant est au travail, détruisant lentement la prospérité de cette classe conservatrice. Durant ces vingt dernières années, des fermiers des diverses nations civilisées ont trouvé de plus en plus difficilement à obtenir une aisance ou à avoir part aux commodités et aux objets de luxe de la vie. Il est vrai que, récemment, les prix de leurs produits ont augmenté quelque peu. Mais cela est plus que compensé par le prix de machines perfectionnées, etc. Néanmoins, ces fermiers espèrent que l'augmentation de la production fera plus que compenser, et également que d'une manière ou d'une autre, les prix garderont un équilibre convenable au lieu de varier à leur continuel désavantage.

            Tandis que le fermier américain a été aux prises avec de telles conditions, son frère européen s'est trouvé dans une situation pire encore parce que ses conditions étaient moins favorables : (1) Pour débuter, il avait plus souvent à louer une ferme, en comparaison plus petite. (2) Il ne disposait pas des mêmes moyens pour s'assurer des machines perfectionnées. Pour ces raisons, le fermier européen n'a pas été du tout capable de compenser chaque chute du prix de son blé par une production supérieure en quantité, et en proportion, il a souffert davantage que son frère américain sauf s'il s'adonnait à la culture de la betterave sucrière.

            Des philosophes, des hommes d'État et des savants ont étudié le sujet avec une certaine attention, et très généralement, sont arrivés à la conclusion hâtive que chaque chute du prix du blé est dû entièrement à la surproduction. Croyant avoir trouvé la vraie réponse, ils en sont restés là. Cependant, certains plus appliqués ont étudié la question plus à fond, examiné les statistiques et trouvé qu'il n'est pas vrai que les greniers du monde soient approvisionnés d'immenses quantités de blé pour les besoins des années suivantes. Ils trouvent au contraire qu'il y a comparativement peu de blé en réserve d'une année à l'autre et que, pratiquement, le monde ne produit guère plus de blé qu'il n'en consomme.

            M. Robert Lindblom, membre de la Chambre de commerce de Chicago, a fait une étude sur ce sujet, et dans une communication au ministère de l'Agriculture du gouvernement des États-Unis, en date du 26 décembre 1895, déclara :

            « La production collective du blé, dans les principaux pays producteurs, n'a pas augmenté, car s'il est vrai que certains de ces pays accusent une augmentation occasionnelle de blé, il est également vrai que d'autres pays accusent une diminution correspondante. Pour observer une totale impartialité, prenons la dernière récolte dont nous avons le rapport complet, savoir celle de 1893.

            « En ce qui concerne les récoltes à l'étranger, j'utilise les chiffres fournis par le correspondant spécial à l'étranger de la Chambre de commerce, et compilés par le secrétaire de la Chambre de commerce de Chicago, et en ce qui concerne les exportations et les récoltes du pays, j'utilise les chiffres de votre ministère. Je suis obligé d'omettre la comparaison touchant l'Autriche-Hongrie parce que je ne possède pas les chiffres pour 1893, mais en dehors de cela, j'ai l'honneur de vous soumettre un rapport montrant la production de blé dans tous les principaux pays pour l'année 1893, comparée avec celle de 1883 :

1893

1883

Angleterre 053 000 000 076 000 000
France 277 000 000 286 000 000
Russie 252 000 000 273 000 000
États-Unis 396 000 000 421 000 000
Allemagne 116 000 000 094 000 000
Italie 119 000 000 128 000 000
Inde 266 000 000 287 000 000

Total.........

1 479 000 000 1 565 000 000

            [ces chiffres représentent des « bushels », mesure de capacité américaine valant 35,2361 litres — Trad.]

            « D'après ce tableau, on verra qu'en 1893 les principaux pays producteurs de blé dans le monde ont récolté 86 000 000 de bushels de moins que dix ans auparavant, tandis que, d'après vos chiffres, la production en Argentine a augmenté seulement de 60 000 000 de bushels dans le même temps. En 1871, la Grande-Bretagne a produit plus de 116 000 000 de bushels et, dans l'année qui a précédé et dans celle qui a suivi 1871, la récolte fut de 105 000 000 de bushels, soit une moyenne de 109 000 000 de bushels pour les trois années, tandis que cette année, la récolte dépasse légèrement 48 000 000 de bushels, d'après les chiffres fournis par le correspondant spécial de la Chambre de Commerce à l'étranger, résidant à Londres.

            « S'il était vrai que les États-Unis étaient supplantés par la concurrence de producteurs de blé, il s'ensuivrait alors, en toute logique, que les exportations de ce pays vers l'Europe accuseraient une diminution, mais antérieurement à 1890 et en 1890 même, les exportations furent en moyenne de 119 000 000 de bushels, tandis qu'en 1891 elles furent de 225 000 000 de bushels, en 1892 de 191 000 000 de bushels, en 1893 de 193 000 000 de bushels et en 1894 de 164 000 000 de bushels ; il ne semble donc pas que nous ayons conservé notre blé pendant que d'autres pays auraient disposé du leur. Les faits sont contre cette affirmation, et s'il fallait encore autre chose pour le prouver, votre ministère fournit l'information qu'en mars dernier les stocks entre les mains des fermiers étaient petits. Je n'ai pas les statistiques qui concernent la récolte de l'Australie dont on a tant parlé il y a quelques années, mais j'ai les exportations de ce pays en 1893 : elles furent de 13 500 000 bushels, alors que dix ans auparavant, elles étaient de 23 800 000 bushels et en 1894 et en 1895 l'Australie importait du blé de l'Amérique.

            « Je n'ai rien dit au sujet de l'augmentation de la consommation qui, dans les dix dernières années, s'élève en Angleterre à 18 000 000 de bushels ; ici dans notre pays, pendant la même période, l'augmentation ne s'élève pas à moins de 50 000 000 de bushels, et dans chaque pays, sauf en France, la consommation a augmenté d'une manière plus que suffisante pour absorber toute augmentation de production à travers le monde ».

            Quelle que soit la cause de ces baisses de prix du blé, il est certain que les fermiers en ont été presque réduits à la dernière extrémité, tant en Europe qu'en Amérique (Nous pourrions noter que, dans les trois dernières années, la hausse temporaire du blé est probablement due au fait que les fermiers, trouvant le prix du blé relativement inférieur à celui d'autres céréales, ont cultivé davantage d'avoine, de maïs, de riz etc.). Nombre de fermiers américains qui avaient contracté des dettes pour se procurer des machines agricoles, ou qui travaillent en ayant une hypothèque sur leur ferme et sur leur foyer, sont dans l'impossibilité de faire face à leurs engagements financiers, même dans les années de récoltes assez bonnes. Tous protestent énergiquement contre leurs créanciers hypothécaires, et aussi, souvent injustement, contre les tarifs de transport des chemins de fer fixés pour transporter leurs récoltes. Les fermiers européens font appel à leurs gouvernements respectifs afin d'obtenir des tarifs douaniers protecteurs contre l'importation des blés étrangers pour qu'ils puissent maintenir ou élever leurs prix et ainsi faire raisonnablement face aux frais de production ; ils prétendent, non sans raison, que cinquante ou soixante « cents » pour un « bushel » de blé est inférieur au prix de revient si l'on admet qu’une rémunération satisfaisante soit accordée à l'agriculteur pour son temps et son énergie.

            Ces faits reportent notre attention sur une prophétie très remarquable relative aux derniers jours de l'Age de l'Évangile et écrite par l'apôtre Jacques (Jacques 5 : 1-9). Après avoir attiré notre attention sur le temps actuel et sur la prodigieuse accumulation des richesses de notre époque, après avoir affirmé que ces choses sont sur le point d'amener un grand temps de détresse, l'Apôtre indique la cause immédiate de cette détresse ; il nous dit qu'elle provient de l'agitation parmi la classe de la société jusqu'ici conservatrice, celle des fermiers. Il semble montrer avec précision la condition actuelle des agriculteurs comme peuvent la voir maintenant tous les observateurs attentifs, ajoutant pour expliquer la chose, qu'elle est la conséquence d'une tromperie. Il déclare :

            « Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs [à vous « riches »] et duquel ils ont été frustrés par vous, crie, et les cris de ceux qui ont moissonné sont parvenus aux oreilles de l'Éternel des armées ».

            Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que les ouvriers et artisans des diverses industries actuelles et, d'une manière générale, les ouvriers des villes souffrent déjà dans une certaine mesure, mais que jusqu'ici leurs souffrances réelles proviennent surtout de la crainte des conditions qui empirent chaque jour à cause de l'augmentation de la connaissance, du machinisme et de la population, dans les conditions sociales actuelles. Le fermier civilisé, lui, a non seulement à lutter contre toutes ces influences défavorables, mais comme nous allons le montrer, il est maintenant victime d'une « tromperie » qui lui fait un tort considérable, mais qui, par contre, procure des avantages à son frère l'ouvrier.

            Si nous considérons de près la réalité et les faits, nous ne pouvons pas dire que les ouvriers en général, et les ouvriers agricoles en particulier, sont frustrés de leurs salaires par leurs patrons dans ces « derniers jours », c'est-à-dire à la fin de l'Age  présent. Au contraire, nous constatons que les lois sont plus équitables que dans le passé en protégeant le salarié contre tout préjudice. L'ouvrier a le droit de faire saisir et vendre les biens de son employeur, et vraiment, dans de nombreux cas, il a la priorité parmi les créanciers. Nous croyons que la prophétie s'applique plutôt aux agriculteurs en général. Ce sont eux qui produisent la nourriture du monde, qui sont les « moissonneurs », et nous devrions nous attendre à trouver dans le monde entier quelque législation générale qui s'appliquerait partout de la même façon à tous ces « moissonneurs ». Nous devrions nous attendre à ce qu'une telle législation ait été obtenue par fraude ou par tromperie ; nous devrions nous attendre à trouver qu'une telle législation frauduleuse ou qu'une telle « tromperie » légalisée ait été obtenue, et à leur avantage, par les riches de ce monde. Seule, une telle législation, et rien d'autre, répondrait aux conditions requises par cette prophétie.  Nous croyons, et allons essayer de le prouver, que toutes ces conditions requises par la prophétie se trouvent dans la démonétisation de l'argent.

            Cependant, que personne ne pense un instant que nous réclamons ou que nous espérons le retour de l'argent à la place qu'il occupait autrefois comme unité monétaire dans le monde ; encore moins, que nous préconisons cela comme une panacée pour empêcher les troubles actuels et futurs ! Bien au contraire, nous sommes fermement convaincu, d'après la prophétie de Jacques, que l'argent ne reprendra pas son pouvoir monétaire. C'est bien notre désir de montrer l'accomplissement de cette prophétie et de faire bénéficier chacun de la lumière qu'elle projette sur les difficultés présentes du monde et sur celles qui viennent.

            La démonétisation de l'argent par la chrétienté apporte des avantages à certaines classes et des désavantages à certaines autres classes de la « chrétienté ».

            Elle est au désavantage des producteurs de blé, de riz et de coton, parce qu'ils doivent vendre les fruits de leur labeur en concurrence avec les produits des pays dont le système monétaire a comme base l'étalon-argent. De ce  fait, en pratique, ils les vendent pour de l'argent déprécié, alors que leur terre, leurs outils, leurs vêtements, leur main-d’œuvre et l'intérêt des hypothèques sur leur propriété sont tous payables en or renchéri. S'ils reçoivent le paiement en argent et qu'eux paient la même somme en or, ils perdent exactement la moitié quand la valeur de l'or est le double de celle de l'argent. En 1873, avant que l'argent ne fût démonétisé par les nations de la chrétienté, un dollar-argent valait deux « cents » [1 « cent » = 1/100 de dollar — Trad.] de plus qu'un dollar-or ; tandis qu’aujourd'hui, par suite de cette législation, il faut deux dollars-argent pour égaler un dollar-or (en valeur réelle, en ne tenant pas compte de la valeur arbitraire et nominale de l'argent monnayé que l'État fixe comme s'il s'agissait de billets de banque). Ce changement intervenu peut être considéré, ou bien comme une hausse du dollar-or qui aurait doublé de valeur, ou bien comme une baisse du dollar-argent qui aurait diminué de moitié, ce qui revient exactement au même.

            En 1872, un « busheI » [35,2361 litres — Trad.] de blé valait en monnaie d'argent 1,51 dollar et en monnaie d'or 1,54 dollar ; en 1878, il valait respectivement 1,34 dollar-argent ou 1,19 dollar-or, et en 1894 1,24 dollar-argent ou 0,61 dollar-or.

            Il apparaît ainsi que, durant ces années, le blé n'a que peu baissé dans les pays qui ont encore l'étalon-argent, tandis qu'il a perdu de sa valeur en or dans la chrétienté. L'Angleterre est le principal acheteur de blé ; elle l'achète naturellement là où elle l'obtient au plus bas prix. En convertissant un dollar-or en deux dollars-argent, elle peut acheter aujourd'hui à l'Inde le double de blé qu'au temps ou l'argent n'était pas démonétisé. C'est ainsi que le prix-or du blé s'est effondré. Les producteurs de riz et de coton des États-Unis subissent les mêmes préjudices pour les mêmes raisons. Le riz et le coton sont cultivés dans des pays à étalon-argent et peuvent être achetés par des pays à étalon-or sur la base de la moitié du prix primitif d'avant la démonétisation de l'argent.

            Incidemment, les producteurs d'autres récoltes agricoles ont subi les mêmes difficultés, car après avoir en vain essayé de compenser la baisse des prix par un accroissement de production, les producteurs de blé, de coton et de riz, se sont en fin de compte tournés vers d'autres cultures dont les prix n'avaient pas baissé autant, et furent frappés par la surproduction. Incidemment aussi, de petits magasins sont également touchés, et finalement, ce sont toutes les classes qui doivent, dans une certaine mesure ressentir le fardeau du cultivateur.

            Mais quelles sont les classes de la Société qui bénéficient de la démonétisation de l'argent ? Plusieurs : (1) spécialement et surtout les banquiers, les prêteurs d'argent, les créanciers hypothécaires, car chaque dollar de leur fortune a doublé de valeur, et chaque dollar qu'ils reçoivent maintenant en intérêt vaut le double de ce qu'il valait auparavant — il vaut le double dans le sens qu'il permettra d'acheter deux fois plus de choses nécessaires à la vie et d'objets de luxe. (2) Tous ceux qui ont des revenus fixes, tels que les parlementaires, les juges, les employés et tous les travailleurs qui reçoivent un salaire en bénéficient pour des raisons semblables. Qu'ils reçoivent dix dollars par semaine ou par jour ou par heure, les dix dollars achèteront deux fois plus de coton, de laine, de blé, etc., et par conséquent, près de deux fois plus des produits dérivés de ces matières premières.

            Lorsque la question de l'argent fut agitée devant les citoyens des États-Unis par les agriculteurs qui avaient trouvé, les premiers, la cause de leurs difficultés, il sembla, pour un temps, qu'elle allait influencer tout le pays dans les élections de 1896. Mais quand chaque individu examina la question à la lumière de ses propres intérêts personnels, la classe des riches, la classe des fonctionnaires, la classe des employés et celle des ouvriers commencèrent à discerner que le beurre sur leurs tartines provenait du côté de l'or ; les boutiquiers et les fermiers aisés doutèrent, en bons conservateurs, de leur propre jugement et suivirent l'exemple de leurs banquiers — contrairement à leurs propres intérêts — et l'étalon-argent fut battu dans la nation même où les intérêts dépendaient de lui, la seule nation qui, en raison du caractère et de la somme de ses exportations et de ses importations, aurait pu faire pencher la balance et rétablir l'argent à sa valeur monétaire primitive.

            Aujourd'hui, la situation créée par la démonétisation de l'argent est irrémédiable et ce métal ne sera jamais rétabli à la place qu'il a perdue en 1873. C'est maintenant une question de pur égoïsme, et si les agriculteurs, en tant que classe, sont plus nombreux qu'aucune autre classe, ils ne forment pas, pour autant, une majorité, et presque toutes les autres classes sont égoïstement intéressées par l'autre côté de la question. Pauvres agriculteurs ! pauvres moissonneurs des champs ! Vos cris de ces dernières années sont un peu apaisés pour un temps, grâce à une hausse artificielle des prix, mais ce petit répit sera bientôt suivi d'une oppression plus grande que jamais et de cris de plus en plus forts des moissonneurs de la chrétienté. Ainsi la patience et le conservatisme de la classe de la société la plus patiente et la plus conservatrice sont-ils en train d'être minés et détruits, ajoutant à la préparation du temps de détresse, du jour de la vengeance.

            Mais comment la démonétisation de l'argent a-t-elle pu se faire ? Qui avait intérêt à amener une telle catastrophe sur le monde ? Nous répondons : les financiers en premier lieu. C'est « leur business » (leur affaire) de manipuler et de travailler l'argent, comme c'est l'affaire du paysan d'exploiter sa ferme, afin d'apporter pour eux-mêmes, ou pour leurs syndicats et leurs institutions, le plus important accroissement possible. Les financiers anglais sont à la tête de la finance mondiale, car ils ont été plus longtemps dans les affaires, et les ont étudiées plus à fond.

            « Tout est permis pendant la guerre » dit un adage, et les financiers et les hommes d'État anglais qui paraissent avoir discerné ces sujets cinquante ans avant le reste du monde, semblent penser que la guerre commerciale est à l'ordre du jour et bien plus profitable aux vainqueurs que ne l'étaient la traite des esclaves dans le passé et les expéditions de pillage. Les Britanniques discernèrent de bonne heure qu'ayant un pays comparativement petit, leur plus grande prospérité devait résider dans la fabrication et la manipulation des finances, non seulement pour eux-mêmes, mais dans toute la mesure permise pour le reste du monde. Les fonctionnaires britanniques ont avec soin mis en application ce plan, et étant capables de fabriquer à meilleur marché que le reste du monde, ils ont adopté la politique la plus favorable à leurs propres intérêts, le libre-échange, et toujours depuis, l'ont recommandée comme politique au monde civilisé. Pendant longtemps, les circonstances ont fait de la Grande-Bretagne non seulement l'atelier du monde, mais également son centre commercial, monétaire et bancaire.

            Il y a près d'un siècle, des financiers britanniques perspicaces comprirent que puisqu'ils n'étaient pas un peuple d'agriculteurs, leurs intérêts seraient favorisés en faisant baisser les prix des produits agricoles qu'ils étaient obligés d'acheter aux nations étrangères. Ils comprirent également que l'argent était la monnaie universelle, et qu'il l'avait été dès les premières heures de l'histoire ; en conséquence, s'il leur était possible de changer l'étalon monétaire, d'adopter pour faire leurs affaires l'étalon-or pendant que le reste du monde utiliserait l'argent, ils pourraient ainsi changer les valeurs relatives des deux métaux en leur propre faveur. C'est pour cette raison que la Grande-Bretagne, en 1816, démonétisa l'argent. Si elle avait réussi à empêcher l'industrialisation des autres pays comme elle chercha à le faire, et si, ayant d'immenses usines, de grandes facilités et des ouvriers expérimentés, elle avait pu ainsi fabriquer des tissus de coton et de laine, et des machines à meilleurs prix que le reste du monde mal outillé ne pouvait en produire, elle aurait réussi à séparer sa monnaie de celle du reste du monde, et finalement en aurait tiré un très grand profit pour elle-même. Cependant, elle ne réussit pas entièrement dans ses desseins : la France et les États-Unis en particulier, et plus tard l'Allemagne, établirent une protection douanière et encouragèrent ainsi des industries mécaniques à l'intérieur de leurs frontières ; graduellement, elles devinrent capables non seulement de fournir la plus grande partie des choses qui leur étaient nécessaires, mais également d'entrer en compétition avec la Grande-Bretagne dans le commerce mondial avec l'Inde, la Chine, I'Espagne, le Portugal, l’Amérique du Sud, la Russie. A leur tour, ces pays, comme nous l'avons vu, cherchent à suivre la même politique et à développer leur propre industrie ; néanmoins, la Grande-Bretagne reste à la tête des nations comme pays industriel et commercial. La Grande-Bretagne ne réussit pas non plus à séparer l'or et l'argent qui avaient si longtemps servi conjointement de monnaie dans le monde. En vérité, alors que le rapport de valeur entre ces deux métaux avait été pendant des années de seize parties d'argent pour une partie d'or, l'argent avait plutôt tendance à monter et l’or à descendre relativement, parce que l'argent était la monnaie surtout en usage dans le monde et préféré par les gens, sauf en Grande-Bretagne. Il n'est donc pas surprenant que, selon les statistiques, un dollar-argent valait, en 1872, plus de deux « cents » qu'un dollar-or.

            Se rendant compte que par eux-mêmes, ils ne pourraient avoir la haute main ni sur l'or, ni sur l'industrie, les financiers britanniques cherchèrent alors à s'associer avec les États-Unis et l'Europe, espérant que par leurs efforts combinés, l'or et l'argent seraient séparés comme valeurs, faisant ainsi monter la valeur de l'or. Quels seraient les résultats des efforts combinés des nations civilisées pour abolir l'étalon-argent en démonétisant ce métal ?

            (1) L'argent deviendrait une simple denrée marchande dans les pays civilisés, et serait, de ce fait, meilleur marché que l'or. L'étalon-or, ainsi adopté, devrait augmenter de valeur dans la proportion même ou l'argent allait diminuer de valeur. Ce fait permettrait aux pays civilisés d'acheter tout ce dont ils auraient besoin (coton, blé, caoutchouc et autres matières premières) aux nations non civilisées en les payant avec l'argent, monnaie dépréciée, et d'obtenir ainsi tous ces produits meilleur marché, à moitié prix. Par contre, ces pays civilisés obligeraient les pauvres païens à payer tous les articles de luxe, les machines, etc., qu'ils achèteraient aux nations civilisées à un prix double, par le fait de leur dollar-argent démonétisé et réduit à la moitié d'un dollar par la législation de ses frères civilisés de la chrétienté dirigés par des « Shylocks » ou financiers rapaces. On voudrait justifier comme étant « strictement des affaires » cet emploi de cerveaux civilisés pour spolier les païens, mais était-ce justice ou escroquerie du point de vue divin ? Les chrétiens ne faisaient sûrement pas aux païens (leurs prochains) ce qu'ils auraient voulu que ces derniers leur fissent.

            (2) Bien que cette mesure mettrait toutes les nations civilisées sur un pied d'égalité avec la Grande-Bretagne touchant le commerce extérieur, cette dernière espérait néanmoins que, étant à la tête des autres, elle serait toujours capable de conserver la plus grosse part du commerce étranger.

            Nous n'ignorons pas que la loi de l'offre et de la demande exerce aussi son influence sur la production et le commerce du blé, mais nous avons montré que jusqu'ici, le monde n'a nullement de surproduction. Nous avons même vu, par les statistiques de M. Lindblom, que la production de blé ne marche pas de pair avec l'accroissement de la population du globe. Nous constatons de plus que si l'année 1892 a été considérée comme celle qui a produit la récolte de blé la plus abondante de toute l'histoire du monde, le prix moyen du blé à New York City pour cette année fut de 90 « cents » le bushel [0,90 dollar les 35 l environ —Trad.], et que, depuis, malgré des récoltes plus faibles, le prix a baissé régulièrement jusqu'à la hausse artificielle de ces dernières années.

            Il est possible que les écarts dans les prix soient dus à certaines circonstances extraordinaires qui prévalent dans le monde. Il est possible que les récoltes de blé en Russie, en République argentine, en Autriche, en Hongrie et, dans d'autres pays, puissent être notablement au-dessous de la moyenne, tandis que l'Inde qui, d'ordinaire, a un important surplus de blé à exporter puisse avoir une famine affectant 35 millions de sa population et exigeant l'aide du blé américain pour compenser sa déficience. De telles circonstances dans des années antérieures, même en 1892 avec la récolte la plus abondante que le monde ait jamais connue, auraient porté le prix du blé à probablement 1,30 dollar le bushel (car en 1892 une once [31 g environ — Trad.] d'argent valait encore 87 « cents » en or) tandis que dans les circonstances monétaires prévalant en 1873, le prix mondial du blé aurait été porté, en 1896, au prix qu'il est vendu en Inde, environ 1,90 dollar-argent le bushel. De plus, en examinant ce sujet, nous devons tenir compte du fait que si le prix du blé est considérablement tombé au cours des trente dernières années pour une certaine cause autre que la surproduction, ainsi que nous l'avons vu, les prix de quelques autres articles n'ont presque pas baissé. Par exemple, comparez l'année 1878 et l'année 1894 qui sont des années moyennes. Le tableau suivant donne les prix moyens du marché de New York :

1878 1894
Seigle, le bushel (35 l environ).  65 c. (0,65 $) 68 c.
Avoine. 33 c.  37 c.
Maïs. 52 c. 51 c.
Feuilles de tabac de Kentucky, la livre (453 g environ). 7 c. 9 c. ½
Bœuf frais, en gros.  5 c. ¼ 5c. ½
Porc frais, en gros. 4 c. ¼  5 c. ½
Foin, la « ton » (907 kg environ). 7,25 $ 8,50 $

            Comparez ces prix avec les trois articles — blé, coton et argent — qui furent spécialement touchés, et touchés de la même façon, et évidemment par la même cause, la démonétisation de l'argent par la chrétienté.

1878 1894
Coton, la livre. 11 c. 7 c.
Blé, le bushel. 1,20 $ 61 c.
Argent, l'once. 1,15 $ 63 c. ½

            Mais, pourrait suggérer quelqu'un : les nations de la chrétienté n'ont-elles pas été contraintes de démonétiser l'argent par la loi de l'offre et de la demande ? Cette dépréciation de l'argent ne provient-elle pas de sa trop grande abondance, et non d'une intrigue quelconque pour faire hausser la valeur de la monnaie d'or ?

            Nous répondons : non. Bien que dans ces derniers temps la production d'or et d'argent ait été grande, l'accroissement des affaires en général et de la population a été proportionnellement bien plus grand. Si tout l'or et l'argent du monde étaient transformés en pièces de monnaie ils seraient tout à fait insuffisants pour les transactions commerciales du monde ; il faudrait encore y suppléer par des billets de banque, des effets de commerce, des chèques, etc. C'est le prêteur d'argent qui a intérêt a ce que l'argent monnayé ou les espèces métalliques soient rares, afin que la demande de cet argent soit toujours considérable, et qu'ainsi il puisse en prêter à un taux élevé et exiger une double garantie. En 1896 on estimait à moins de 6 milliards de dollars tout l'or du monde, monnayé et non monnayé, tandis que les dettes publiques et les dettes privées des États-Unis étaient évaluées à plus du triple de cette somme. Pendant des années avant 1873, la Russie avait essayé de changer sa monnaie-papier dépréciée et de revenir à un étalon-argent, mais comme elle ne put se procurer d'argent en quantité suffisante, elle a encore sa monnaie-papier. Nous mentionnons ces faits pour montrer que la chute de l'argent a été préméditée, qu'elle fut causée non par la loi de l'offre et de la demande (car en 1872 il y eut plus de demande d'argent que de demande d'or, amenant l'argent à un taux plus élevé que l'or), mais par la législation.

            Pourtant, est-il concevable que les représentants des peuples de toutes les nations de la « chrétienté » aient ourdi une conspiration contre les païens et contre leurs propres agriculteurs ? Non : les faits ne soutiennent pas une telle conclusion ; ils montrent plutôt que les puissances d'argent [ou haute finance — Trad.] — que nous nommerons « Shylock » — organisèrent le complot de manière à tromper les législateurs quant aux résultats à en attendre. Nous avons, à cet égard, le témoignage du prince Bismarck et de nombreux membres du Congrès des États-Unis. Ce fut ainsi « par une escroquerie » qu'un mince « coin » de législation fut introduit entre les deux moitiés de la monnaie du monde, à l'effet de déprécier l'argent et de doubler la valeur de l'or ; à présent qu'on discerne le mal, les hommes d'État sont frappés de stupeur devant l'étendue de la rupture ; ils se rendent compte que si l'on rétablissait l'étalon-argent, on causerait des difficultés et des pertes énormes à la classe des créanciers, en voulant dédommager la classe des débiteurs pour les pertes qu'elle a, elle, déjà subies, et ce à cause de la démonétisation de l'argent. En outre, « Shylock » ayant obtenu un avantage si précieux (la valeur portée au double, de toutes ses possessions et de tous ses revenus), laisserait plutôt la société entrer dans les convulsions de la panique ou de la révolution que de lâcher son étreinte sur le sang vital financier de l'humanité. « Shylock », a le pouvoir d'imposer ses exigences. Il domine la classe nombreuse des emprunteurs qui viennent l'implorer aux guichets de ses banques ; il domine les gouvernements nationaux, lesquels sont tous des débiteurs, et il a la haute  main sur la presse laquelle encourage avoir confiance en l'honneur et en la bienveillance de « Shylock » et à craindre sa colère et sa puissance. En outre, une très importante et très influente classe de fonctionnaires et d'employés salariés et d'ouvriers spécialistes trouvent que leurs intérêts concordent avec la politique de « Shylock » ; si toutefois ils ne sont pas ses défenseurs, ils sont assurément tièdes sinon froids pour s'opposer à sa politique et penchent plutôt à dire peu de chose ou à ne rien dire contre elle.

            Parmi les nombreux témoignages à propos de la tromperie et de l'escroquerie qui furent pratiquées, nous nous contenterons de citer les suivants :

            Le sénateur Thurman a déclaré :

            « Alors que le projet de loi était en suspens au Sénat, nous pensions qu'il s'agissait simplement d'un projet en vue de réformer la frappe de la monnaie, de régler le système monétaire, d'amender une chose et une autre ; il n'y avait pas un seul homme, je pense, au Sénat, à moins que ce fût un membre du comité d'où venait le projet de loi, qui eût la moindre idée qu'il s'agissait là d'une tentative de démonétisation » — Comptes rendus du Congrès, volume 7, partie 2, 45e Congrès, seconde session, page 1 064.

            Au Sénat, le 30 mars 1876, au cours des remarques faites par le sénateur Bogy sur le projet de loi (S. 263) « Pour l'amendement des lois relatives au cours I'égal de la monnaie d'argent », le sénateur Conkling, surpris, demanda :

            « Le sénateur me permettra-t-il de lui poser, à lui ou à un autre sénateur, une question ? Est-ce vrai que légalement il n'y a plus maintenant de dollar américain ? Et si oui, est-il vrai que le but de ce projet de loi est de faire en sorte que des demi-dollars et des quarts de dollars soient la seule monnaie d'argent qui puisse avoir un cours légal ? »

            Le 15 février 1878, le sénateur Allison déclara :

            « Mais lorsqu'on fera connaître l'histoire secrète de ce projet de loi de 1873, on découvrira le fait que la Chambre des Représentants avait l'intention de frapper à la fois de la monnaie d'or et de la monnaie d'argent et qu'elle avait l'intention d'indiquer les deux métaux sur le rapport français, au lieu de le faire sur le nôtre, ce qui était la vraie position scientifique touchant ce sujet en 1873, mais que le projet fut par la suite remanié ».

            L'Hon. William D. Kelley, rapporteur de ce projet, déclara au cours d'un discours qu'il fit à la Chambre des Représentants, le 9 mars 1878 :

            « A propos de l'accusation faite que j'ai soutenu le projet de loi qui démonétisait le dollar étalon-argent, je déclare que, bien que président du comité de la frappe monétaire, j'étais ignorant du fait que cette loi démonétiserait le dollar-argent de notre système monétaire, comme étaient également ignorants du fait ces distingués sénateurs, MM. Blaine et Voorhees, qui étaient alors membres de la Chambre et qui s'interrogèrent l'un l'autre quelques jours après : « Saviez-vous que l'étalon-argent était abandonné quand le projet fut voté ? » « Non », déclara M. Blaine, « et vous, le saviez-vous ? » « Non » dit M. Voorhees. « Je ne pense pas qu'il y avait dans la Chambre trois membres qui le savaient ».

            Le 10 mai 1879, M. Kelley dit encore :

            « Tout ce que je puis dire, c'est que le comité sur les monnaies, les poids et les mesures qui rédigea le projet original, fut fidèle et capable, et qu'il examina de très près les dispositions de ce projet ; que je fus son porte-parole pour le rapporter, que ce projet contenait des clauses à la fois pour le dollar étalon-argent et pour le dollar commercial. N'ayant jamais, sinon longtemps après le vote du projet, entendu parler de la substitution qui fut faite au Sénat du passage qui abandonnait le dollar-étalon, je déclare ouvertement ne rien savoir de son histoire, mais je suis en mesure de dire que dans toute la législation de ce pays, il n'y a aucun mystère qui puisse égaler celui de la démonétisation du dollar étalon-argent des États-Unis. Je n'ai jamais trouvé un homme qui pût dire exactement comment cela s'est passé et pourquoi ». 

            Le 10 janvier 1878, dans un discours prononcé devant, le Sénat, le sénateur Beck déclara :

            « L'une ou l'autre des Chambres du Congrès n'a jamais compris le projet de loi sur la démonétisation de l'argent. Je le dis en pleine connaissance des faits. Aucun reporter de journal — et ils sont les hommes les plus vigilants que je connaisse pour obtenir des renseignements — n'a découvert que cela avait eu lieu ».

            Si la place nous l'avait permis, nous aurions pu citer de nombreuses autres déclarations aussi fortes. Le titre même du projet de loi était trompeur il était ainsi libellé : « Projet de Révision des lois relatives à l'Hôtel de la monnaie, aux fonctionnaires de contrôle et à la frappe de la monnaie des États-Unis », et la démonétisation de l'argent était cachée par (1) la disposition de la section 14, à savoir que désormais un dollar-or serait « l'unité de valeur », et (2) par la section 15 qui définit et spécifie les pièces d'argent, mais omet entièrement de mentionner le dollar « étalon » — argent. La loi du 22 juin 1874 acheva de tuer le dollar « étalon » — argent sans le nommer le moins du monde, en disposant simplement qu'aucune autre pièce que celles mentionnées dans la loi de 1873 ne serait frappée. Le Président des E.U. Grant dont la signature fit du projet une loi, n'en connaissait pas, dit-on, le caractère, et le déclara ainsi quatre ans plus tard, quand l'effet de la loi commença à se manifester. En vérité, peu de gens, à l'exception des « financiers » sagaces, prirent grande attention aux pièces de monnaie, car la nation n'avait pas encore repris les paiements en numéraire, et l'on supposait que cela serait une étape préparatoire utile dans cette direction.

            M. Murat Halstead, rédacteur en chef de la Commercial Gazette de Cincinnati était l'un des hommes capables de son temps. Voici, cité du Journal de New York en date du 24 octobre 1877, un passage écrit par lui :

            « Ceci — la politique britannique de l'or — fut l’œuvre d'experts seulement. Le subterfuge était essentiel à son succès, et c'est peut-être parce qu'aucune pièce n'était en circulation, donc à l'abri des regards du public, qu'on put toucher à l'étalon-argent sans attirer l'attention. Le système monométalliste de la grande nation créditrice fut ainsi imposé sans discussion à la grande nation débitrice ».

            On attribue publiquement les déclarations suivantes à feu le Col. R. G. Ingersoll :

            « Je demande avec insistance la remonétisation de l'argent. C'est par escroquerie que l'argent a été démonétisé. Ce fut une imposition appliquée à chaque homme solvable, une escroquerie à l'égard de chaque débiteur honnête des États-Unis. C'est l'assassinat des classes laborieuses (« labor »). Cette démonétisation a été opérée dans l'intérêt de l'avarice et de la cupidité. Elle devrait être abolie par des honnêtes gens ».

            Ce que serait l'effet de cette démonétisation, de nombreux hommes d'État le prédirent dans l'enceinte du Congrès dès qu'on discerna la véritable situation, de 1877 à 1880. Certains ne discernaient pas les conséquences, d'autres étaient tranquillisés par leur propre égoïsme, et d'autres encore s'en rapportaient aux conseils des « financiers » ; pourtant, certains s’élevèrent vaillamment contre cette injustice.

            Dans un discours qu'il prononça devant le Sénat des États-Unis, en 1880, feu l’Hon. James G. Blaine déclara :

            « Je crois que la lutte qui est maintenant engagée dans ce pays et dans d'autres pays à propos d'un seul étalon-or, produirait, si elle réussissait, un désastre sur une grande échelle dans et à travers le monde commercial. La destruction de l'argent comme monnaie, et l'instauration de l'or comme seule unité de valeur, doivent avoir un effet ruineux sur toutes les formes de propriété à l'exception des investissements qui produisent un revenu déterminé en espèces. Ces investissements seraient accrus en valeur d'une manière considérable, et obtiendraient un avantage disproportionné et injuste sur toutes les autres espèces de propriétés. Si, comme l'affirment des statistiques les plus dignes de foi, il y a dans le monde près de sept milliards de dollars en pièces ou en lingots, divisés également entre l'or et l'argent, il est impossible de rayer l'argent comme monnaie sans provoquer des résultats douloureux pour des millions de gens et complètement désastreux pour des dizaines de milliers. Je crois que les pièces d'or et d'argent sont la monnaie de la constitution, en fait la monnaie du peuple américain antérieurement à la constitution, que la grande loi organique reconnut comme étant tout à fait indépendante de sa propre existence. Le Congrès ne reçut aucun pouvoir pour déclarer que l'un ou l'autre métal ne constituerait la monnaie ; par conséquent, et selon mon jugement, le Congrès n'a aucun pouvoir de démonétiser l'un ou l'autre. Si, donc, l'argent a été démonétisé, je suis favorable à sa remonétisation. Si son monnayage a été interdit, je suis partisan qu'on ordonne qu'il soit repris. Je suis partisan qu'il soit augmenté ».

            Feu le sénateur Vance déclara plus tard :

            « La puissance d'argent et ses alliés à travers le monde sont entrés en conspiration afin de perpétrer le plus grand crime de cet âge ou de n'importe quel âge afin de détruire la moitié de l'argent du monde et par là même de doubler leur propre fortune en augmentant la valeur de l'autre moitié qui se trouve entre leurs mains. Les changeurs d'argent sont en train de souiller le temple de nos libertés ».

            Le gouvernement des États-Unis expédia des lettres officielles à ses représentants à l'étranger, en demandant des rapports sur les affaires monétaires. Le rapport de M. Currie, ambassadeur en Belgique, largement répandu, est une remarquable démonstration, en accord avec les expériences du peuple des États-Unis. Dans son rapport, il mentionne la réponse que lui fit à ses questions l'Hon.  Alfonse Allard, directeur belge des Finances :

            « Depuis 1873, une crise sévit continuellement dans une chute de tous les prix, et il ne semble pas possible d'arrêter sa progression. Cette chute des prix, se répercutant sur les salaires, se développe à présent en une crise sociale et industrielle.

            « Vous me demandez pourquoi nous sommes retournés en 1873 au monométallisme, aussi boiteux qu'il puisse être. Je ne puis concevoir aucune autre raison que celle que cela devait plaire à une certaine classe de financiers qui en profitèrent, classe soutenue par des théories inventées et défendues à cette époque par quelques économistes politiques, notamment par des membres de l'Institut de France.

            « Vous demandez quelle influence ont eue en Belgique ces mesures monétaires sur l'industrie et sur les salaires ? L'argent (« money ») qui était déjà rare en 1873, est devenu plus rare encore, et cette chute des prix qui avait été prédite s'est produite. La chute moyenne dans le prix de tous les produits du travail est de 50 % depuis 1873, celle des céréales de plus de 65 % L'industrie n'est plus rémunératrice, l'agriculture est ruinée ; chacun réclame des droits de douane protecteurs, tandis que nos citadins ruinés pensent à la guerre. Telle est la triste situation de l'Europe ».

            Dans une lettre à la Ligue républicaine nationale (du 11 juin 1891), le sénateur J. D. Cameron écrivait :

            « Il nous semble que le seul étalon-or est en train d'opérer la ruine avec une violence que rien ne peu contenir. Si cette influence doit se poursuivre dans l'avenir à raison de son action durant les vingt années depuis que l'étalon-or a pris possession du monde, une certaine génération, pas très éloignée, verra dans le vaste continent de l'Amérique une demi-douzaine seulement de villes monstrueuses montant la garde sur une masse de capitaux et les prêtant à une population de travailleurs dépendants, en hypothéquant leurs récoltes encore sur pied et leur ouvrage inachevé. De tels spectacles ont été assez fréquents dans l'histoire du monde, mais nous nous révoltons tous contre cela. Riches comme pauvres ; républicains, démocrates, populistes ; travail et capital ; églises et collèges — tous pareillement, et tous fermement unis dans une authentique bonne foi, nous reculons devant un tel avenir ».

            Les financiers anglais savent très bien pourquoi souffrent les agriculteurs du monde, et en particulier ceux des États-Unis et du Canada qui exportent du blé ; ils confessent parfois qu'ils en sont, eux, responsables à cause de leur égoïsme personnel. Par exemple, nous citons ce qui suit de l'éditorial de Financial News (Londres), du 30 avril 1894 :

            « Nous avons fréquemment des différends diplomatiques avec les États-Unis, mais en règle générale, ils s'accompagnent rarement d'animosité entre les peuples des deux pays, et les disputes finissent et on les oublie. Mais à présent nous sommes en train de favoriser le développement d'une impression que, sur une question qui concerne la prospérité de millions d'Américains individuels, notre pays est porté à nourrir des intentions inamicales pour les États-Unis. Nous savons, bien entendu, que l'hostilité est accidentelle, et que notre politique monétaire est dirigée par des considérations purement égoïstes, si purement égoïstes que nous ne nous préoccupons pas de voir l'Inde souffrir de notre action beaucoup plus que ne le fait l'Amérique...

            « Le sénateur Cameron souligne une leçon clairement évidente quand il fait observer que si les États-Unis se risquaient de rompre les amarres avec l'Europe et de se tourner résolument vers l'étalon-argent, ils auraient derrière eux toute l'Amérique et toute l'Asie, et domineraient les marchés des deux continents. « La barrière d'or serait plus fatale que n'importe quelle barrière douanière. La confédération de argent [étalon-argent — Trad.] serait plus puissante que celle du libre-échange ». Il n'y a aucun doute à ce sujet, savoir, que si les États-Unis devaient adopter un étalon-argent demain, le commerce britannique serait ruiné avant que l'année soit achevée. Chaque industrie américaine serait protégée, non seulement à l'intérieur mais sur tous les autres marchés. Bien entendu, les États-Unis souffriraient jusqu'à un certain point parce qu'ils auraient à payer en or leurs obligations à l'étranger, mais la perte du change sur ce point serait une simple goutte d'eau dans un seau en comparaison des profits qui seraient récoltés sur les marchés de l'Amérique du Sud et de l'Asie, sans compter ceux de l'Europe. Ce qui est étonnant, c'est qu'il n'y a pas longtemps les États-Unis en ont saisi l'occasion, et s'il n'y avait pas chez eux la conviction que la méthode employée par l'Angleterre est nécessairement celle qui mène au succès et à la prospérité, il n'y a aucun doute, qu'ils auraient commencé il y a déjà longtemps. A présent, les Américains se rendent compte que, « aussi longtemps qu'ils limiteront leur ambition à devenir une plus grande Angleterre », ils ne pourront nous battre. Ce fut vraiment une chance pour nous qu'il ne soit jamais venu auparavant à l'esprit des Américains de nous chasser de tous les marchés du monde en recourant à l’étalon-argent, et ce pourrait être bien fait pour nous si, irrités par la méprisante apathie de notre gouvernement devant la gravité du problème de la monnaie d'argent, les Américains usaient de représailles en se débarrassant de l’or. Cela pourrait se faire aisément... Ce ne sont pas ces derniers temps les indices qui ont manqué d'une irritation grandissante contre l'Angleterre à cause de son attitude de-chien-de-jardinier  vis-à-vis d'une question (la question de la monnaie d'argent) qui est en train de bouleverser deux continents et de compromettre gravement l'avenir des États plus pauvres de l'Europe ».

            Le cri des agriculteurs, à savoir que c'est par escroquerie que l'on ne rétribue pas ceux qui peinent en travaillant, est général dans tous les pays à étalon-or, dans toute la chrétienté, comme nous le montre la citation suivante :

            A la date du 22 septembre 1896, le Journal new-yorkais World publiait un long câblogramme signé par des dirigeants agricoles d'Europe, réunis en Congrès international d'Agriculture à Budapest (Hongrie), et adressé au candidat présidentiel de l'époque W. J. Bryan. On lisait :

            « Nous vous souhaitons le succès dans votre lutte contre la domination de la classe des créanciers qui, durant les vingt-trois années écoulées, ont réussi tant en Europe qu'en Amérique à s'assurer une législation monétaire qui détruit la prospérité de vos agriculteurs et d'autres... Nous croyons que si l'on ne réussit pas à rétablir l'étalon-argent, le privilège de l’or à travers toute l'Asie et toute l'Amérique du Sud continuera à spolier l'agriculteur (de l'Amérique et de l'Europe) de toute rémunération pour son labeur ; nous croyons aussi que votre élection peut détourner de l'Europe de graves troubles agricoles et sociaux qui menacent maintenant ».

            Le journal World de New York, du 24 septembre 1896, publia les déclarations suivantes du prince Bismarck à Herr von Kardof, chef du parti conservateur libre du  Reichtag allemand :

            « Je suis trop âgé pour aller à l'école apprendre les lois régissant les émissions monétaires mais je reconnais n'avoir pas agi avec assez de réflexion en 1873, car les résultats n'ont pas été ceux que j'attendais, quoique je fusse persuadé d'avoir suivi ce que je considérais comme étant le meilleur conseil.

            « La seule classe que nous ne pouvons nous permettre d'indisposer contre nous, c'est celle des agriculteurs. Si ces gens-là sont convaincus (et ils vous assurent qu'ils le sont) que la crise agricole provient de ces changements monétaires, notre gouvernement devra réexaminer sa position ».

            La crise extrêmement grave actuelle de l'argent (« silver ») et de toutes les marchandises vendues sur la base de l’étalon-argent survint d'une manière très graduelle pour deux raisons : (1) Il fallut du temps et des manigances pour déprécier l’argent, matière toujours très demandée par plus de la moitié de la population du globe ; (2) Les propriétaires des mines d'argent et d'autres personnes directement intéressées, ainsi que des hommes d'État qui prévoyaient le mal qui allait arriver, pesèrent de leurs arguments si vigoureusement sur le Congrès des États-Unis qu'on eut recours à des expédients, tels que le décret de remonétisation de 1878 et le décret sur les achats d’argent de 1890. Mais ces expédients se prouvèrent impraticables. Le métal argent doit être soit une monnaie, ayant sa pleine valeur d'étalon monétaire comme l'or, soit être considéré comme une marchandise ordinaire telle que le diamant, le blé, etc., sujette aux fluctuations de l'offre et de la demande. Aussi, lorsqu'en 1893 le dernier des expédients fut abrogé, ce métal tomba à la moitié du prix de l’or ; en 1895, on sentit dans toute leur ampleur les inconvénients et les malheurs causés par la démonétisation de l'argent, sans toutefois pouvoir mesurer toute sa portée, sa marche progressive et sa durée possibles.

            Voici donc les faits :

            (1) Les moissonneurs des récoltes du monde, Ies agriculteurs de la « chrétienté », sont dans la détresse, malgré les machines modernes. Ils réclament à grands cris l'assistance de leurs concitoyens et des législateurs (Ces cris ont cessé momentanément, grâce à la hausse du blé probablement provoquée par de mauvaises récoltes dans le sud-est de l'Europe, en Russie, en Australie et en Argentine ; mais dès que changeront ces conditions et que le monde entier aura ses récoltes moyennes, il est possible que le prix du blé suive celui du métal argent et tombe à 43 « cents », si toutefois des circonstances ne viennent pas changer les conditions ; les cris des moissonneurs continueront à retentir plus désespérés que ,jamais).

            (2) Les législateurs comprennent cette difficulté et comment elle est venue ; ils déclarent qu'elle provient d'une duperie, des supercheries de financiers, ces docteurs en matière monétaire.

            (3) Les législateurs se rendent compte qu'il en coûterait une panique, et probablement une révolution, pour corriger les conditions défavorables qui résultent de cette démonétisation ; ils pensent donc que le remède serait pire que le mal et qu'il est préférable de ne rien faire de si radical. L'argent ne sera donc jamais rétabli comme étalon monétaire à sa valeur primitive de 1/16 de l'or.

            (4) Chacun admet que cette « escroquerie » (« fraud ») n'est pas seulement en train d'écraser et de décourager les agriculteurs, mais également qu'elle irrite et aigrit l'élément de la société jusqu'ici le plus conservateur.

            (5) Tous les gens réfléchis, dans le monde entier, s'accordent à dire que les classes ouvrière et artisanale de la chrétienté sont mûres pour une révolution qui balaierait les institutions sociales actuelles avec le balai de la destruction, et que si l'important élément agricole jusqu'ici conservateur devait rejoindre les rangs des mécontents et des révolutionnaires, l'alliance serait irrésistible.

            (6) Il existe des preuves, de toutes parts, que quelques années suffiront pour amener un tel soulèvement.

            Quiconque veut comparer tous ces faits avec la prophétie de Jacques doit être convaincu de son accomplissement précis, point par point ; il doit y voir là un autre témoignage indubitable que Dieu connaissait d'avance tout ce qui arriverait au temps actuel, toutes ces choses étant la préparation du grand temps de détresse qui, lui, doit préparer un grand chemin pour Emmanuel et son glorieux règne de paix sur la terre et de bonne volonté envers les hommes.

            Relisons la prophétie de Jacques (5 : 1-9) :

            « A vous maintenant, riches ! Pleurez en poussant des cris à cause des misères qui vont venir sur vous. Vos richesses sont pourries et vos vêtements sont rongés par les vers ; votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille sera en témoignage contre vous et dévorera votre chair comme le feu : vous avez amassé un trésor dans les derniers jours. Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et duquel ils ont été frustrés par vous, crie, et les cris de ceux qui ont moissonné sont parvenus aux oreilles de l'Éternel des armées ! Vous avez vécu dans les délices sur la terre, et vous vous êtes livrés aux voluptés ; vous avez rassasié vos cœurs au jour de [votre] carnage ; vous [votre classe] avez condamné, vous [votre classe] avez mis à mort le Juste [Christ] ; il ne vous a pas résisté [Se peut-il que l'Éternel ait voulu nous faire remarquer que les banquiers et les financiers juifs, plus que d'autres, sont grandement responsables de cette escroquerie qui frustre les moissonneurs de leur salaire ? Dès lors, y a-t-il un sens spécial dans les paroles : « Vous avez condamné, vous avez tué le Juste » ?]

            « Usez donc de patience, frères, jusqu'à la présence du Seigneur [qui redressera toutes choses dans la justice, venant en aide à celui qui est pauvre et à celui qui est sans défense, et il exercera sa vengeance sur les méchants]. Voici, le laboureur attend le fruit précieux de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il reçoive les pluies de la première et de la dernière saison. Vous aussi, usez de patience ; affermissez vos cœurs, car la présence du Seigneur est proche. Ne murmurez pas les uns contre les autres, frères, afin que vous ne soyez jugés [aussi] : voici, le Juge se tient devant la porte ».

*  *  *

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